Contrats de leasing – Rétractation – contrats hors établissement – contrats portant sur des services financiers – Nullité

nullité d'un contrat de leasing location de caisse et imprimante professionnelle

Arrêt Cour d’appel de VERSAILLES Ch Comm 3-2, 25 mars 2025 n°23/08499, EURL B. / FRANFINANCE AGILEASE et BPI

Un salon de coiffure est démarché par une société Bureautique Professionnelle et Impression, pour la fourniture d’une caisse et d’une imprimante de la marque Olivetti. Une participation commerciale lui est proposée pour l’inciter à contracter avec la certitude du faible cout de son engagement.

Le jour même le commercial lui fait signer un contrat de location longue durée ou contrat de leasing avec la société AGILEASE, qui sera cédé par la suite à la société FRANFINANCE LOCATION.

Aucune information sur son droit de rétractation n’est portée à sa connaissance.

La société BPI est placée en liquidation judiciaire et le matériel n’est plus entretenu, l’EURL B. tente de mettre fin à son contrat, et cesse le paiement des loyers. La société FRANFINANCE LOCATION assigne en résiliation du contrat et paiement d’une indemnité de résiliation.

Devant la Cour d’appel de VERSAILLES la question se pose de la qualification du contrat de location en contrat portant sur un service financier, la société FRANFIANCE LOCATION prétendant que son contrat n’est pas soumis aux dispositions des article L221-3 et suivants du code de la consommation.

La Cour d’appel de VERSAILLES a pu établir : 

« Est défini à l’article 2, 12), de la directive comme un service financier  » tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements”.

La directive a été transposée au code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

Selon l’article L. 121-16-1, I, 4°, devenu L. 221-2, 4° du code de la consommation, les dispositions protégeant le consommateur lorsque le contrat est conclu hors établissement ne sont pas applicables aux contrats portant sur des services financiers.

Statuant sur une question préjudicielle d’une juridiction allemande, la Cour de justice de l’Union européenne (21 décembre 2023, C-38/21, C-47/21 et C-232/21, BMW Bank) a récemment éclairé le champ d’application de la directive de 2011, en examinant la nature d’un contrat de  » leasing  » se présentant (arrêt, §§46 à 49) comme un contrat de prêt affecté à l’achat d’une automobile acquise par une banque pour l’emprunteur, assorti d’un taux d’intérêt, sans option d’achat.

La Cour de justice dit pour droit (§1 du dispositif de son arrêt ; §§126 à 156 de ses motifs) qu’un tel contrat relève du champ d’application de la directive 2011/83, en tant que contrat de service, au sens de l’article 2, point 6, de celle-ci ; corrélativement, qu’il ne relève pas du champ d’application ni de la directive 2002/65/CE du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, ni de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédit aux consommateurs.

Dès lors que la CJUE a dégagé cette solution à partir d’une convention se présentant comme un contrat de crédit affecté consenti par une banque, elle doit a fortiori être appliquée à toute situation contractuelle dans laquelle, par un contrat dit de  » location financière « , un professionnel finance l’utilisation d’un bien par un consommateur en en faisant lui-même l’acquisition et en le mettant à la disposition du consommateur moyennant le paiement d’échéances fixes, sans que le consommateur ne dispose d’une option d’achat.

Le droit de rétractation n’est inapplicable que dans les contrats hors établissement prévus à l’article 16 de la directive, transposé à l’article L. 221-28 du code de la consommation.

(…)

Selon l’article L. 311-2 de ce code, les établissements de crédit et les sociétés de financement

peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que :

 » 6° Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail. « 

Les établissements de crédit sont, aux termes de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier, les entreprises définies à l’article 4, §1, 1) du règlement (UE) n°575/2013 du 26 juin 2013, c’est-à-dire les entreprises dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte.

Les sociétés de financement, sont, aux termes du même texte, des personnes morales, autres que de établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément.

L’article L. 313-1 du même code prévoit :

« Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de

celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie.

Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d’une option d’achat. »

Une location financière ne constitue pas une opération de crédit-bail ou plus généralement une

opération de location associé d’une option d’achat assimilable à une opération de crédit-bail (Com., 2 novembre 2016, n° 15-10.274, publié). Cette solution est cohérente avec celle adoptée par la CJUE le 21 décembre 2023.

Le contrat de  » location financière  » passé entre la société Agilease et la société Belle en soi a

pour objet la mise à disposition de celle-ci d’un caisse enregistreuse achetée pour elle, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels.

Ce contrat est un contrat de service au sens de l’article 2, 6), de la directive de 2011 et non un

contrat portant sur des services financiers au sens de l’article 3, §3, d), de cette directive.

(…)

Or, comme l’a exactement relevé le tribunal de commerce, le contrat en cause ne comprend pas de formulaire de rétractation ni d’information sur les modalités d’exercice de ce droit.

Il encourt donc la nullité en application des articles L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation.

https://www.courdecassation.fr/decision/export/67e39938f0eca3c1e634895a/1